[RP]Folle chevauchée

La pluie qui tombait en fine bruine redoubla brusquement d’intensité avec le vent qui se levait. Elle augmenta encore jusqu’à tomber en lourdes gouttes emportées par la rafale sous un ciel d’un gris sombre qui n’avait rien laissé paraître, le jour durant, de ce soleil qui rejoignait maintenant l’horizon derrière l’épaisse masse des nuages.

Une silhouette chevauchait sur les terres éloignées de Tonnerre, une main sur les rênes d’un étalon aussi noir que la nuit qui venait rapidement, l’autre main retenant difficilement les pans d’une cape qui menaçait à tout moment de s’ouvrir avec la bourrasque. La cavalière dont le capuchon se rabattit soudainement sous un brusque et traître revirement du vent poussa un juron qui se perdit dans le claquement de ses jupes contre les flancs du cheval. Elle abandonna aussitôt toute tentative de recouvrir sa tête et bientôt ses boucles brune se retrouvèrent soudées à son crâne par la pluie glaciale. Mais peu lui importait, pourvu qu’elle arrivât à protéger des intempéries l’enfant soudé à sa poitrine, blotti dans une large écharpe de laine étroitement nouée autour de sa taille et de ses épaules.

Le cheval commençait à ralentir et Lena le laissa aller au pas, car elle ne pouvait guère le pousser davantage. Elle se pencha en avant et caressa l’encolure de Dark en lui murmurant des mots doux. Des murmures inutiles, elle le savait, puisque les intempéries recouvraient sa voix, mais c’était un réconfort pour elle, et l’animal ressentait son intention, elle en était persuadée. Elle ferma un instant les paupières pour soustraire à sa vue les deux morsures que la pluie lavait maintenant à l’épaule de l’étalon. Elle les savait non venimeuses, car elle avait reconnu la bête à sa couleur verdâtre et à ses écailles noires, mais la blessure était douloureuse… elle portait la même, mais moins profonde, à l’avant-bras. L’énorme couleuvre de Semur qu’ils avaient dérangée en piétinant dans les joncs et les roseaux était morte, elle lui avait réglé son compte d’un coup de dague efficace.
Elle songea à l’écorce de saule blanc, rangée dans sa besace, qu’elle avait fini par trouver près de cet étang, mais à quel prix? Elle était à présent perdue loin de Tonnerre, avec un cheval qui souffrait… et Kenan qui aurait dû être dans un lit douillet à pareille heure… certainement pas ici! Elle resserra son étreinte autour de son fils et scruta le rideau de pluie, luttant pour ne pas laisser le désespoir la submerger.
Était-ce les jurons poussés en direction du ciel peu clément? …les prières païennes murmurées avec l’énergie du désespoir? …simplement l’instinct de la bête blessée qui portait la mère et son enfant? …où bien le hasard, seulement, qui lui fit repérer, au loin, la lueur d’une torche?

Il lui tarde de retrouver sa vieille hutte, mais la route est encore longue, et la pluie battante, les bourrasques de vent qui s'infiltrent dans ses guenilles lui font craindre pour sa vie.
Un mauvais coup de froid peut être fatal à un vagabond, surtout dans l'état pitoyable qu'il est devenu ces dernières semaines.

Un coup de tonnerre, un éclair zèbre dans la nuit sombre.
Et une vision cauchemardesque apparait alors, un cavalier de la mort, une capuche battue par le vent soufflant, de longs cheveux serpentant sur la tête aux traits invisibles, un grand destrier noir comme la nuit qui se rue sur lui.

Fatigué par sa longue errance, ses réflexes de vieux soldats prennent pourtant le dessus avec son instinct de survie.
Un pas sur le coté, son long baton de combat, renforcé en son sein par une fine tige en fer, les bouts cerclés eux aussi se tend en travers, tenu des deux mains, heurtant le cavalier sombre qui chutent de son palefroi infernal.

La monture se cambre, hennit. Un grand coup du baton finit par la faire fuir.
Tournant rapidement sur lui même, le pauvre bougre voit que le démon ne s'est pas encore relevé. Il lui assène de grands coups de pieds avant que son ennemi n'est le temps de se remettre debout.

Enfin l'engeance du mal ne bouge plus.
La tension retombe, le vagabond prend appui sur son baton, reprenant son souffle.
Le vent hurle toujours autant, la lune pale apparait parfois de derrière les nuages noirs et invisibles en cette nuit monstrueuse.
Des pleurs percent tout de même, brisant le coeur de l'homme errant.

Il s'approche du corps inerte du démon, et aperçoit enfin une sorte de gros baluchon tombé à ses cotés. C'est de là que proviennent les cris enfantins. Ainsi le diable devait se rendre auprès de son maitre afin de faire un sacrifice.

L'homme crache sur la carcasse satanique, prend le gamin emmitouflé dans ses bras puis s'enfuit avant que l'être démoniaque ne revienne des enfers sous les ordres du malin.